chapitre 5: la morphologie dérivationnelle
chapitre 5: la morphologie dérivationnelle
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chapitre 5: la morphologie dérivationnelle
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lignes suivantes et
cliquez avec la souris ou faites un retour de chariot. notez que
le texte peut aussi
être lu de façon suivie.
matériaux pour la formation des
mots
mots attestés, mots possibles et
impossibles
la suffixation
la préfixation
les affixes homonymes
restrictions sur les affixes
questions d'ordre
la formation parasynthétique
la composition
les bases savantes
d'autres sources de mots nouveaux
conclusion
à lire
matériaux pour la formation des
mots
de façon générale, nous pouvons dire que la
morphologie
dérivationnelle
s'occupe de la formation de mots nouveaux à partir de mots
existants.
ainsi, à partir d'un mot comme cuisine, on peut
ajouter
le préfixe
-ette pour donner le mot nouveau cuisinette. par
contre,
il faut reconnaître deux complications à ce
modèle
simple. d'abord,
il est possible d'ajouter plusieurs niveaux
d'éléments,
chacun
donnant
un mot, comme l'illustre la série suivante:
fermer
fermer + -able = fermable
in- + fermable = infermable
infermable + -ité = infermabilité
à un autre niveau, on constate qu'il existe des bases qui
ne
sont
pas
elles-mêmes des mots autonomes: on peut combiner
bio-
et
-logie pour former le mot biologie.
comme nous l'avons vu dans les exemples précédents,
la
formation des mots
fait appel à des matériaux de plusieurs sortes. on
peut
identifier pour
commencer les bases lexicales, qui correspondent
en
général à des
noms, des verbes et des adjectifs. ces bases peuvent exister de
façon
autonome (ex. cuisine): on parle alors de bases
libres.
ou bien, elles peuvent se trouver seulement dans des formes plus
complexes, (ex. bio-): on parle alors de bases
liées. les
bases peuvent se combiner entre elles (ex. bio-logie,
camion-citerne): on parle alors de composition.
il est aussi possible d'ajouter un ou plusieurs
affixes
à une base
(ex. re-faire, québéc-ois). on parle alors
de
dérivation ou
bien d'affixation. les affixes sont des
éléments
attachés
étroitement à une base lexicale, au point où
on ne peut pas
les en
séparer. ils ne correspondent pas à des noms,
à des verbes
ou
à des
adjectifs.
il existe une autre classe apparentée aux affixes: les
clitiques.
en français, la classe des clitiques comprend les
déterminants comme
le, ce et les pronoms comme je, le, y. comme
les
affixes,
les clitiques sont des éléments non-autonomes: on
ne les
trouve
jamais
seuls. par contre, on peut séparer les clitiques et les
bases
par au
moins un petit nombre d'éléments (p.ex. je vois
- je le
vois;
un livre - un beau livre).
dans les deux cas (composition et dérivation), il faut
reconnaître en
plus qu'il existe une différence entre la langue
écrite et la
langue
parlée. nous la respecterons dans ce qui suit.
début.
mots attestés, mots possibles et
impossibles
prenez la liste suivante:
blessure
coiffeuse
clintonisme
attireur
changeage
tissement
petitage
achetien
si on demande à des locuteurs francophones de porter un
jugement
d'acceptabilité sur ces noms, la plupart accepteront
facilement
les deux premiers, accepteront probablement aussi les deux
suivants,
auront plus de doutes quant aux deux suivants, et refuseront sans
doute
les deux derniers. pourquoi? c'est que les mots d'une langue
sont
de
plusieurs sortes.
pour commencer, il y a les mots attestés,
qu'on
peut trouver dans
des textes, et qui figurent souvent dans les dictionnaires.
blessure et coiffeuse appartiennent à cette
classe:
on les voit
dans le journal et on les entend dans la conversation.
il y a ensuite les mots possibles. certains de
ces
mots
sont d'une
formation tellement normale qu'ils passent inaperçus
lorsqu'ils
apparaissent. avec l'arrivée de m. clinton sur la
scène
politique
américaine, on a commencé à parler de
clintonisme,
mais le mot
s'insère dans une longue série (reaganisme,
nixonisme,
etc.) et ne
surprend personne. de même, attireur est d'une
formation
normale,
et quelqu'un ayant besoin d'un terme pour nommer quelqu'un qui
attire
peut très bien former ce mot.
mais il ne faut pas oublier que l'arrivée d'un mot sur la
scène
ne se
fait pas de façon isolée. le nouveau doit se
tailler
une
place parmi
les mots existants. ainsi, changeage et
tissement
sont
d'une formation normale (on ajoute -age ou -ment
à une
base verbale). leur problème vient du fait qu'il existe
déjà
d'autres
formes pour nommer le même concept: changement et
tissage.
malgré la normalité de changeage et de
tissement, ils ont
subi le blocage par l'existence
antérieure de
changement
et tissage.
le blocage tend à empêcher la création d'une
deuxième
forme
pour le
même concept, surtout si le mot existant est de
fréquence
élevée.
par contre, il arrive qu'on crée une forme nouvelle pour
porter
un
concept légèrement autre. par exemple, depuis
longtemps,
l'adjectif
utilisé pour désigner tout habitant de l'ontario
est
ontarien.
mais depuis quelques années, avec la prise de conscience
communautaire
parmi les franco-ontariens, on a vu l'insertion d'une forme
parallèle:
ontarois, qui désigne non pas l'ensemble des
habitants,
mais
seulement ceux de langue maternelle française.
finalement, il existe des formes impossibles,
dans
le
sens qu'elles
seraient le produit d'un mécanisme de formation qui
n'existe
pas
dans
la langue. par exemple, en français, le suffixe
-age
s'ajoute à
des bases verbales: tissage. mais la base petit
est un
adjectif. par conséquent, le suffixe ne peut pas s'y
appliquer.
de
même, le suffixe -ien qui s'ajoute à des
bases
nominales ou
adjectivales (ex. ontarien), ne peut pas s'ajouter
à
une
base
verbale comme acheter.
en linguistique, on a tendance à indiquer les formes
impossibles
au moyen
d'un astérisque précédent (
*petitage). de même,
on
marque les mots
possibles mais non attestés. nous utiliserons un plus pour
cette
catégorie de mots
(+attireur).
exercice: évaluez la possibilité relative de
chacune des
formes
suivantes: tableur, forçation, cultivesque, cultivage,
cultivation.
dans ce qui suit, nous allons commencer par examiner les
mécanismes
dérivationnels pour la formation des mots. cette classe
comprend
la
suffixation, la
préfixation
et
la formation
parasynthétique. dans tous ces cas, à une
base
lexicale
un affixe, c'est-à-dire une forme qui ne
peut
pas
exister de façon autonome.
début.
la suffixation
la fonction principale des suffixes consiste à rendre
possible
le
passage d'une classe grammaticale dans une autre, avec des
conséquences
sémantiques, bien sûr. dans tous les cas, les
suffixes
s'ajoutent à
la fin des mots. voyons quelques exemples:
chanter + -eur = chanteur
planète + -aire = planétaire
simple + -ifier = simplifier
dans chanteur, le suffixe -eur
s'ajoute à une
base
verbale
pour créer un nom. dans planétaire,
le suffixe
-aire
s'ajoute à une base nominale pour faire un adjectif, et
dans simplifier, le suffixe -ifier
s'ajoute à une
base
adjectivale pour faire un verbe.
il est possible de caractériser chaque suffixe en
appliquant
trois
sortes de critères.
il faut demander à quelle sorte de base le suffixe
s'ajoute.
en
principe, en français, seules les bases nominales,
verbales
ou
adjectivales
prennent des suffixes.
il faut demander quelle partie du discours résulte de
l'action
du
suffixe. là encore, les possibilités se limitent
à des
noms,
des verbes
et des adjectifs, avec l'ajout spécial des adverbes (ex.
lent
-
lentement).
il faut demander ce que le suffixe ajoute comme contribution
sémantique
à l'unité complexe qui résulte de son
action.
si nous appliquons ces trois critères aux suffixes
présentés
ci-dessus,
nous voyons que -eur s'ajoute à des verbes,
produit des
noms,
et signifie `quelqu'un qui v', où v représente la
base
verbale. ainsi,
un chanteur est quelqu'un qui chante. par contre, -aire
s'ajoute
à des noms, produit des adjectifs, et signifie `qui
concerne
n',
où
n représente la base nominale. et -ifier s'ajoute
à
des adjectifs,
produit des verbes, et signifie `rendre adj', où adj
représente
la base
adjectivale.
exercice: faites l'analyse des chacune des séries de
suffixes
suivantes:
affichiste, guitariste, archiviste, automobiliste
abattage, ajustage, accrochage, asphaltage
alphabétique, anecdotique, anatomique
accidentel, annuel, conceptuel
exactitude, inaptitude, infinitude, inquiétude.
notez que dans le cas des noms inanimés la méthode
de
suffixation permet
de prévoir le genre du suffixé. ainsi,
abbattage etc.
sont du masculin,
mais exactitude est du féminin.
début.
la préfixation
par opposition aux suffixes, dont la fonction principale consiste
à
passer d'une classe grammaticale dans une autre, les
préfixes
en
français ont une fonction surtout sémantique.
formellement, les
préfixes se distinguent des suffixes par le fait de
s'ajouter
au
début
d'une base lexicale, plutôt qu'à la fin.
au niveau formel, on constate que différents
préfixes
s'ajoutent à
différentes sortes de bases. comparons, par exemple,
re-
et
in-, qu'on trouve dans des formes comme revoir et
inacceptable. on constate que re- s'ajoute à
une
base
verbale,
tandis que in- s'ajoute à une base adjectivale.
comme
dans le cas
des suffixes, de telles différences de distribution nous
permettent de
faire le départ entre les différents
préfixes.
sur le plan sémantique, il est possible d'identifier
plusieurs
sortes de
préfixes, comme l'indiquent les exemples suivants:
hyperactif, suraigu, ultraconservateur,
extrafin
infrarouge, hypotension,
sous-développé,
subconscient
on note d'abord que les préfixes en hyper portent le
sens
`au-dessus de la norme'. par contre, ceux en hypo portent
le
sens
`en-dessous de la norme'. dans les deux cas, la valeur du
préfixe
a à
faire avec la notion de degré.
avant-goût, pré-histoire
après-midi, post-opératoire
dans ces cas-ci, nous avons affaire à des préfixes
temporels,
qui désignent soit `ce qui précède x', soit
`ce qui suit
x'.
par contre,
dans les exemples suivants, c'est la dimension
spatiale qui entre
en ligne de compte:
avant-bras, prémolaire
arrière-cuisine
transcanadien
deux autres classes de préfixes importants concernent la
négation
et l' aspect. le français possède
une
assez
grande variété de préfixes
négatifs, comme l'illustrent les exemples suivants:
inaccessible, impossible, illégal
amoral, anormal, analphabète
non-violent, non-marqué, non-étudiant
pour ce qui est de l'aspect, deux préfixes principaux
entrent
en
ligne
de compte: re- et dé-. voyons les
exemples
suivants:
faire - défaire - refaire
habiller - déshabiller - rhabiller
on constate que le préfixe dé-, qui
s'ajoute à un
verbe,
présuppose l'existence d'un état et signifie
`rendre
non
vé', où vé
signifie le participe passé de la base verbale. ainsi,
défaire
signifie `rendre non fait', déshabiller `rendre
non
habillé'.
le préfixe re-, qui s'ajoute lui aussi à
une base
verbale,
signifie `rendre vé encore', et présuppose
l'absence d'un
état. les
deux impliquent donc l'aspect, ou l'évolution d'une
situation
dans
le temps.
exercice: identifiez la distribution et le sens des suffixes
quasi- et méta- en français.
début.
les affixes homonymes
examinons les deux séries suivantes:
pommier, poirier, amandier
aventurier, boursier, caissier
dans les deux cas, le suffixe s'ajoute à une base nominale
pour
former
un autre nom. par contre, sa contribution sémantique n'est
pas
la
même dans les deux cas. dans le premier, il signifie
`arbre
qui
porte
des n', et dans l'autre, il signifie `quelqu'un qui a à
faire
avec n'.
on voit donc qu'il peut exister des suffixes ayant la même
forme,
mais
qui se distinguent l'un de l'autre. seul le fait de tester les
trois
critères permettra de les distinguer. voyons un autre
cas:
lentement, rapidement, solidement
lancement, fonctionnement, déploiement
on voit que le suffixe -ment en (1) s'ajoute
à
un
adjectif, donne un adverbe, et signifie `de manière adj'.
par
contre, le
suffixe -ment en (2) s'ajoute à un verbe,
donne un nom, et
signifie `action de v'. là où on trouve deux
affixes
homonymes,
on les
distingue au moyen de chiffres différents: -ment1 n'est
pas la même
chose que -ment2.
exercice: vous pouvez produire deux séries de noms en
formant
des
suffixés en -eur. trouvez des exemples et
commenter la
différence entre
les deux séries.
début.
restrictions sur les affixes
à première vue, beaucoup de francophones refuseront
les
formes
suivantes: retuer, décasser. c'est qu'ils
trouvent difficile
d'imaginer un contexte dans lequel on pourrait les utiliser. par
contre,
il suffit d'un peu d'effort pour voir que de telles situations
sont
possibles, même si elles sont rares. par exemple, dans un
jeu
électronique,
les personnages peuvent parfois revenir à la vie. il faut
parfois les
retuer. dans l'autre exemple, supposons un film projeté
à
l'envers.
si le film montre quelqu'un qui casse un objet, le visionnement
en
sens
inverse montrerait la même personne qui décasse
l'objet.
c'est que, dans l'évaluation des mots possibles, il faut
distinguer les
contraintes linguistiques (p.ex. on ne peut pas
ajouter
le suffixe
-age à un adjectif) et les contraintes
pragmatiques (ce
qu'on a
l'habitude de faire). seuls les premiers sont pertinents en
linguistique.
expérience: imaginez une situation où chacun
des mots
suivants
serait utilisable: déceinturage, replanter,
chemiseur.
restriction conventionnelle du sens
il existe en général deux sortes de mots: ceux
qu'on
possède
en mémoire,
et ceux qu'on peut fabriquer en se servant du système de
la
langue. or,
une fois qu'un mot existe en mémoire, en d'autres termes,
une
fois qu'il
n'est plus directement le produit des règles de formation
des
mots, il
risque de prendre un ou plusieurs sens spéciaux. dans ces
cas-là, il
faut faire attention pour respecter la réalité
linguistique,
et
ne pas
imposer une analyse qui ne convient pas. voyons quelques
exemples:
annulaire (planétaire, circulaire)
protestant (enseignant, manifestant)
en (1), les mots entre
parenthèses signifient
`qui
concerne
n'. par contre, annulaire ne signifie pas seulement `qui
concerne
les anneaux', mais aussi `troisième doigt de la main,
où on
met
un
anneau'. de même, en (2), les
mots entre
parenthèses
signifient `quelqu'un qui v', mais le mot protestant,
à
cause de son
histoire, signifie plus spécialement, `membre d'une
église
chrétienne
non-catholique'.
exercice: relevez une restriction conventionnelle du sens
pour
chacun
des mots suivants: grossièreté,
matérialisation,
préparation.
début.
questions d'ordre
jusqu'à présent, nous avons traité la
préfixation et la
suffixation
comme deux phénomènes distincts. par contre, il
arrive que
les
deux
s'appliquent dans la création d'un mot complexe. cela peut
se
faire de
deux façons différentes. dans la première,
chaque
nouvelle
unité se
forme par l'ajout d'un seul élément. voyons les
exemples
suivants:
bois - boiser - déboiser
évaluer - réévaluer -
réévaluation
évaluer - évaluation -
*réévaluation
dans chaque cas, la création d'une unité nouvelle
se fait une
étape à la
fois, et dans chaque cas, le nouvel élément qu'on
ajoute
respecte la
nature de la base à laquelle il s'ajoute. ainsi, dans
(1), le suffixe
-er s'ajoute à un nom pour donner un verbe, et
ensuite
le
préfixe
dé- s'ajoute à ce verbe pour donner un
autre verbe.
il
en va
de même en (2)
où
le préfixe
re-
s'ajoute à un verbe,
et où par la suite, le suffixe -tion s'ajoute pour
changer le
verbe en nom. par contre, en (3), on voit un
problème. il est
possible de former évaluation à partir de
évaluer, puisque,
comme nous l'avons vu, -tion s'ajoute à un verbe.
par
contre, il
est impossible de former réévaluation
à partir de
évaluation
puisque le préfixe re- s'ajoute seulement à
des
verbes.
donc, seul
l'ordre de dérivation présenté en 2 est
possible.
exercice: montrez pourquoi la deuxième série
est
impossible:
mobile - immobile - immobiliser - immobilisation
mobile - mobiliser - *immobiliser
début.
la formation parasynthétique
il existe un cas où on trouve deux éléments
(un préfixe
et
un suffixe)
qui s'ajoutent en même temps. on l'appelle la
formation
parasynthétique. le phénomène se
reconnaît
par
le fait qu'on doit
refuser tous les ordres de création basés sur
l'ajout d'un
seul
affixe à
la fois. voyons les deux exemples suivants:
lune - alunir - *lunir - *alune
barque - embarquer - *barquer - *embarque (n)
dans les deux cas, on ajoute un préfixe et un suffixe,
mais la
forme
ayant seulement un préfixe (*alune, *embarque) est
impossible,
de même que la forme ayant seulement un suffixe (*lunir,
*barquer).
il faut présupposer une création basée sur
l'application
simultanée
d'un préfixe et d'un suffixe.
début.
la composition
dans les cas de dérivation (préfixation,
suffixation,
formation
parasynthétique), on ajoute un ou plusieurs affixes
à
une
seule base.
par contre, dans la composition, deux ou plusieurs bases se
combinent
entre elles. la composition prend plusieurs formes
différentes
en
français. on en voit quelques-unes dans les exemples
suivants.
bouton-pression canapé-lit
chirurgien-dentiste heure-homme
safari-photo
feu rouge centre commercial
libre-échange
réunion
départementale
chauffe-eau casse-noisettes
coupe-ongles
cure-oreilles
lave-vaisselle
ceinture de sécurité
pompe à eau
arme à feu
couteau de chasse
première constatation: tous les mots composés ici
sont des
noms. en
français, c'est presque toujours le cas. mais parmi ces
noms,
on
retrouve des structures diverses. en (1),
on trouve n +
n, en (2), on trouve n + adj en (3), on trouve v + n, et
en (4), on trouve n + prep + n.
deuxième constatation: dans certains cas, l'un des membres
du
mot
composé
est plus central que l'autre; il définit une classe
générale
précisée
par l'autre terme. ainsi, en (1), un
bouton-pression est une
sorte de bouton, non pas une sorte de pression.
de
même,
un safari-photo est une sorte de safari, pas une
sorte de
photo et une ceinture de sécurité
est une
ceinture.
on appelle cet élément central la
tête du mot
composé. en
français, la tête d'un composé se trouve en
général à gauche.
exercice: où se trouve la tête d'un
composé en anglais?
considérez
des exemples comme fire truck, mail box, bookshelf.
de même, en (2), le nom à gauche
définit la tête
modifiée par
l'adjectif suivant. un centre commercial est une sorte de
centre,
et une réunion départementale est une sorte
de
réunion.
par contre, il y a des complications. dans quelques cas, la
tête
se
trouve à droite. c'est le cas de
libre-échange, qui
est une
sorte d'échange. dans d'autres cas, surtout parmi les
composés
qui
mettent ensemble deux noms, l'identification de la tête est
plus
complexe.
ainsi, un chirurgien-dentiste est en même
temps un chirurgien et un dentiste.
dans tous ces cas, on trouve une tête à
l'intérieur du mot
composé.
on parle alors de composés
endocentriques, ce qui
veut dire que
la tête (le centre) est à l'intérieur du
composé. il
existe cependant
d'autres cas où la tête n'est pas dans le
composé, dans
tous
les
exemples en (3) par exemple. ainsi, un
chauffe-eau
n'est ni un chauffe, ni une eau; un casse-noisettes n'est
ni un
casse ni une noisette. dans ces cas, la tête du
composé est
à
l'extérieur, en quelque sorte. ainsi, un
chauffe-eau
est
`un
appareil qui chauffe l'eau', un casse-noisettes est
`un
outil qui casse les noisettes' et ainsi de suite. on parle
alors de
composés exocentriques.
exercice: quel élément structural permet
d'identifier un
composé
exocentrique dans les exemples en (4)
ci-dessus?
comment distinguer les mots composés
puisque les mots composés mettent ensemble deux mots, il
peut
être
difficile de les distinguer des suites de mots. comparons, par
exemple,
les séries suivantes:
autobus scolaire ceinture de
sécurité
autobus jaune ceinture de pierre
on a des composés en (1),
mais des suites
libres en (2). comment distinguer?
le premier critère est d'ordre formel. on peut
insérer une
autre unité
dans la plupart des suites libres: autobus vraiment
jaune,
ceinture bleue de pierre. mais on ne peut pas insérer
une
unité dans un
mot composé. *autobus vraiment scolaire est
impossible,
de même
que *ceinture bleue de sécurité. on dirait
ceinture
de
sécurité bleue.
le deuxième critère est de type sémantique.
la partie
non-tête d'un mot
composé spécifie une sorte de classe. ainsi, un
autobus
scolaire
est un type d'autobus. mais un autobus jaune
décrit une
condition
temporaire de l'autobus.
un autre critère est celui de la fréquence. les
mots
composés
se
manifestent souvent dans la même forme, tandis que les
combinaisons
libres présentent une plus grande diversité.
dans certains cas, l'orthographe indique l'existence d'un mot
composé.
le trait d'union, par exemple, nous signale parfois une
unité.
exercice: pour chacun des exemples suivants,
déterminer
s'il
s'agit
d'un composé ou d'une suite d'unités autonomes:
lampe à
l'huile,
tasse à café, tasse de café.
début.
les bases savantes
la composition dans sa forme la plus simple utilise des bases
lexicales
françaises pour faire des mots nouveaux. mais il existe
aussi
une
autre source de bases lexicales: le grec et le latin. dans les
terminologies spécialisées surtout, on fait appel
à
de
telles bases
pour construire des mots nouveaux. voyons quelques exemples:
carnivore, herbivore, omnivore
francophone, anglophone, hispanophone
vidéothèque,
bibliothèque, ludothèque
anthropologie, biologie, psychologie
comme dans le cas de la composition à bases
françaises, les
éléments
mis ensemble sont soit des verbes, soit des noms, soit des
adjectifs.
ainsi, dans la série en (1),
-vore signifie
`qui
mange'
tandis que les éléments initiaux signifient soit
`la chair',
soit `les
plantes', soit `tout'. notez qu'à la différence des
mots
composés à base
française, la tête de ces dernières formes se
trouve
à
la fin: on a la
structure n+v plutôt que v+n. il en va de même pour
les
exemples en (2), sauf que dans ces cas, -phone
signifie `qui
parle'.
dans les exemples en (3),
-thèque signifie
`contenant',
tandis que vidéo-, biblio et ludo
signifient `qui
concerne la vision', `livres' et `qui concerne le jeu'
respectivement.
dans ce cas-ci, nous avons la structure n+n, avec la tête
en
deuxième
position. dans les exemples en (4), c'est
encore la
structure
n+n qu'on trouve, sauf que -logie signifie
`étude', et
anthropo- bio- et psycho- signifient
`humanité', `vie' et
`esprit' respectivement.
notez qu'il est aussi possible de trouver des combinaisons
à
plus
de deux éléments, comme astrobiologie,
ainsi que des
combinaisons
où l'une des composantes est d'origine française et
l'autre grecque
ou latine (ex. autopunition).
exercice: trouvez trois autres bases savantes
utilisées en
français.
début.
d'autres sources de mots nouveaux
la dérivation et la composition ne sont pas les seules
sources
de
mots
nouveaux en français. un assez grand nombre d'autres
mécanismes, quoique
moins fréquents, ont aussi un rôle à jouer
dans la
créativité lexicale.
la siglaison
les sigles sont des unités lexicales
construites
par le fait de
prendre une ou plusieurs lettres au début de chaque mot
d'une
locution
pour faire un seul mot. citons comme exemples bien connus
grc
`gendarmerie royale du canada', lnh `ligue nationale de
hockey',
ovni `objet volant non identifié' et cegep
`collège
d'enseignement général et professionnel'.
notez que dans les deux premiers exemples, le sigle se prononce
comme
une suite de lettres (on dit [erse] et
[lna]) tandis que dans les deux
derniers
cas, le sigle se prononce comme un mot (on dit [vni] et
[sep]).
la troncation
dans un parler familier, on prend parfois l'habitude de laisser
tomber une partie de mot. puisque c'est le début qui
porte le
plus d'information, c'est le plus souvent la fin du mot qui
tombe.
des exemples de troncation comprennent
dico `dictionnaire',
métro `(chemin de fer) métropolitain',
labo
`laboratoire',
où on trouve une voyelle finale (souvent [o]), et
prof
`professeur', pub `publicité', qui se terminent
par une
consonne.
les acronymes
dans certains cas, on met ensemble deux mots en enlevant ou bien
la
fin du premier ou le début du deuxième. des
exemples
comprennent
franglais `français et anglais)',
héliport `aéroport pour
hélicoptères' et
alcootest
`test qu'on administre pour détecter une consommation
abusive
d'alcool'.
exercice: dans un journal, relevez des exemples de siglaison,
de
troncation et d'acronymes.
la reduplication
un phénomène assez rare, mais très
intéressant, consiste
à reproduire
la première syllabe d'un mot, généralement
pour former une
version
humoristique à sens affaibli. des exemples de
reduplication
comprennent fofolle `un peu folle',
pépère
`mot
familier
pour le grand-père', mémère `nom
familier pour la
grand-mère'.
début.
conclusion
on voit donc que le lexique d'une langue n'est pas une
entité
figée
et stable. à côté des stocks de mots
existants, une grande
variété
de mécanismes de création modifient constamment le
contenu du
lexique.
en fait, il existe aussi deux autres grandes classes
d'opérations
qui
elles aussi ajoutent des mots nouveaux à la langue,
opérations
que
nous verrons en détail plus tard.
d'un côté, l'extension et la précision
sémantique
permettent à des
mots existants de prendre des sens étendus. par exemple,
à
l'origine,
le mot composé feu vert signifie `feu de
circulation
qui
permet aux chauffeurs d'avancer'. mais depuis quelques
années
en
français, feu vert signifie aussi `permission': on
dira par exemple que
quelqu'un a donné le feu vert à quelqu'un d'autre.
de
façon analogue,
le mot escalade, dont le sens de base est `action de
monter
une pente abrupte', a commencé à signifier aussi
`action de
monter'
en parlant de prix, ou d'activité dans un secteur en
particulier.
d'un autre côté, les langues ont tendance à
emprunter des
mots les
unes aux autres. depuis quelques années, le
français a
emprunté des
mots à l'anglais (management, jogging), au russe
(glastnost), à l'italien (pizzeria), au
suédois
(ombudsman)
et à d'autres langues encore.
début.
à lire:
corbin, danielle. (1987) morphologie dérivationnelle
et
structuration
du lexique. tubingen: niemayer. (2 vol.) (res)
guilbert, louis. (1971) `de la formation des unités
lexicales', in
grand larousse de la langue française en sept
volumes. paris: larousse. (introduction au volume 1) (ref)
matthews, p. h. (1991) morphology
2nd ed. cambridge: cambridge university press. (res)
début.
dernière modification: 28 décembre 1996.
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